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Face à l’IA, former des créateurs conscients, pas des exécutants dépendants

Aujourd’hui, une image peut être générée en quelques secondes, une chanson composée en un clic, une vidéo montée par un algorithme. Les jeunes grandissent avec ces outils, fascinés, curieux, parfois un peu perdus. Et nous, créateurs, enseignants, journalistes ou simples spectateurs, sommes tous confrontés à la même question : l’IA remplace-t-elle la créativité, ou lui donne-t-elle un nouvel élan ?
En tant que motion designer et musicienne, je vois défiler chaque jour des dizaines de tendances sur les réseaux : visuels générés par Midjourney, remix TikTok créés avec ElevenLabs, morceaux signés d’artistes qui n’existent pas. Le milieu artistique est secoué. Certains y voient une révolution libératrice. D’autres, une menace inquiétante. La vérité est plus nuancée.
L’IA n’est ni une baguette magique, ni un monstre. C’est un outil. Et comme tout outil, il faut savoir s’en servir avec discernement. Elle peut nourrir un processus, mais elle ne remplace ni la sensibilité, ni la complexité d’un vécu humain. Une image peut être belle, mais vide de sens. Une chanson peut sonner juste, mais ne rien dire. La vraie question devient alors : que voulons-nous transmettre ? Et pourquoi ?
C’est pour cela que je crois profondément en une éducation numérique plus ambitieuse. Pas seulement apprendre à cliquer, à drag & drop ou à utiliser ChatGPT. Mais comprendre les mécanismes, les enjeux, les limites. Apprendre à questionner, à douter, à choisir.
Dans une école idéale, on apprendrait à composer de la musique ET à écouter. À monter une vidéo ET à décortiquer un message. À générer une image ET à analyser sa portée. L’éducation numérique ne devrait pas séparer technique et pensée critique. Elle devrait former des créateurs conscients, pas des exécutants dépendants.
Car ce qui fait la richesse d’une création, ce n’est pas la vitesse à laquelle elle est produite. C’est la main qui hésite, la voix qui cherche, le trait qui tremble mais dit quelque chose de vrai. Et ça, aucune IA ne peut l’inventer.
On le voit bien dans les milieux créatifs aujourd’hui : beaucoup de jeunes sont en quête de repères. Ils jonglent entre admiration et méfiance. Ils savent que les tendances évoluent plus vite que les logiciels qu’ils apprennent. Ils sentent que leur place doit se redéfinir. Et c’est à nous, adultes, professionnels, éducateurs, de leur donner les outils pour penser et créer avec conscience.
Personnellement, j’utilise l’IA dans mon travail.
Pour tester des effets, m’inspirer, aller plus vite sur certaines tâches. Mais jamais pour signer une oeuvre à ma place. Parce que créer, c’est engager une partie de soi. C’est prendre position, émotion, direction. C’est relier technique et intention.
Alors non, l’IA ne remplacera pas les créateurs. Mais elle pourrait bien remplacer ceux qui auront cessé de créer avec sens.